De notre balcon, sur la rive ou du train, longtemps nous avons admiré ces rameurs glisser, flotter sur ce bleu Léman.
Arrive le moment où l’envie d’être assis à leur place est trop grande et vient le temps de l’inscription au cours d’initiation.
Puis l’attente, l’attente… Déjà l’initiation commence, nous devons apprendre la patience. Être sûrs que ce n’est pas une lubie, mais bien un état d’esprit qu’il faut acquérir.
Enfin le grand jour arrive. Ce jour où enfin nous allons passer à l’épreuve initiatique. Nous devons nous familiariser avec cet univers avant d’enfin pouvoir quitter la berge ; vocabulaire, règles de sécurité, ergomètre, bassin, postures et gestes spécifiques. « Jambes, dos, bras, bras, dos, jambes » voilà la ritournelle qui tourne dans nos têtes. Se concentrer, se centrer, se gérer. Mais aussi et surtout se synchroniser ; tous ensembles, bien que tous différents. Nous apprenons que sur le bateau nous ne devons être qu’un. Nous apprenons l’unité de l’aviron.
Quand vient le moment si attendu de ramer ensemble, le bleu Léman nous met à l’épreuve. Il se fait mériter, ne se faisant pas tendre. Il envoie ses hordes de moutons nous déstabiliser. Débutants que nous sommes, nous luttons, nos mains s’entrechoquent, saignent, nos rames se rebellent contre des vagues qui nous malmènent. Nous prenons sur nous, mâchoires crispées pour ne pas renoncer, continuer, ramer. Rien ne nous est donné.
Vient le weekend de la consécration à Schiffenen. Nous apprenons à démonter, déboulonner, remonter, visser, serrer.
Arrivés sur la rive, sous un magnifique soleil, les éléments ne se rebellent pas, mais nous accueillent. Pas de caprice. Nous découvrons un plan d’eau si lisse. Merci.
Les équipes formées, nous portons nos bateaux. Les voix se taisent, les regards se ferment, concentration. Assis sur notre embarcation, la cohésion se fait. Nous ne sommes plus qu’un. Nous savourons ces instants privilégiés, le plaisir de glisser. Revenus à la berge, tels des guerriers pleins de fierté, nous comparons les stigmates que l’aviron impose à ses futurs initiés ; cloques, douleurs au dos, genoux, hanches. Nous sentons notre corps, mais partageons nos aventures dans des rires qui en disent long. Conscients qu’il nous faut encore apprendre, mais quel plaisir nous avons.
Et que dire des repas ? Juste qu’ils sont à la hauteur de ce parcours initiatique et de ce sport ; ça se mérite, se vit, se déguste, se partage et se communie.
Merci à tous les moniteurs qui ont partagé leur esprit et la technique de l’aviron avec tant de patience et d’abnégation. Merci à tous les participants pour ces instants uniques, inoubliables et mythiques.
Nathalie Guillemin